Spécialiste du sommeil, Isabelle Bonnefous est une skilleuse réputée sur la plateforme Wooskill. Aujourd’hui, elle a accepté de répondre à nos questions, afin de mieux comprendre son parcours, sa vie professionnelle et personnelle.
Pour commencer, parlez-nous de votre parcours scolaire et professionnel…
Pharmacienne de formation, je suis titulaire d’un DESS (diplôme d’études supérieures spécialisées) de Droit de la santé. J’ai également obtenu un diplôme universitaire de prise en charge de l’insomnie. J’ai consacré près de 30 ans de ma carrière à l’industrie pharmaceutique. Arrivée à la cinquantaine, j’étais en recherche de sens professionnellement. Je ressentais le besoin profond d’être utile aux autres et d’avoir plus de contacts humains. Le poste que j’occupais alors s’avérait être aux antipodes de ces aspirations.
Je ne m’épanouissais plus du tout dans mon travail. Je commençais la semaine avec une boule au ventre, en ayant hâte que le week-end arrive. J’ai alors essayé de trouver un poste qui correspondait à mes attentes en interne. Ne trouvant pas mon bonheur, j’ai décidé de prendre mon destin en mains et de retourner sur les bancs de la Fac. J’ai ensuite ouvert un cabinet de consultation pour aider les personnes qui dorment mal et leur réapprendre à bien dormir de façon entièrement naturelle. J’ai ainsi trouvé une mission qui a du sens, qui me tient vraiment à cœur et qui répond pleinement à mes nouvelles aspirations.
Je pense que l’on évolue en prenant de l’âge et que les choses qui nous correspondaient à 20 ou 30 ans changent au fil du temps. Aujourd’hui, ma mission de vie, c’est d’aider les autres à retrouver du bien-être au quotidien en les accompagnant pour trouver des solutions à leurs problèmes de sommeil. Quand on ne dort pas bien, cela a des répercussions négatives dans tous les domaines de la vie ainsi que de graves conséquences possibles sur la santé (troubles cardio-vasculaires, dépression, diabète, obésité…)
Ce n’est pas trop difficile de reprendre ses études après 50 ans ?
C’est un gros challenge, surtout qu’il me fallait re-mobiliser des informations que j’avais apprises il y a trente ans. Mais ce nouveau projet me tenait tellement à cœur que j’ai dépassé les difficultés. Finalement, avec le recul, ce n’était pas si compliqué que ça. J’apprenais des choses qui me passionnaient, je savais que j’allais être utile et j’avais enfin un but qui me portait.
Pourquoi devenir spécialiste du sommeil ?
Mon ancien travail me déprimait vraiment, alors je me suis faite accompagner par une psychologue pour sortir de l’impasse. Cette personne m’a signalé qu’il existait des possibilités professionnelles en dehors de mon entreprise. Pour appuyer ses propos, elle m’a parlé de deux pharmaciennes, qui avaient été dans la même situation que moi. Une d’entre elles s’était spécialisée dans le sommeil.
J’ai trouvé cette idée intéressante, j’ai alors décidé d’explorer cette voie et de faire une première formation sur le sujet. J’ai trouvé cela passionnant et cela me correspondait bien car je pouvais allier mes connaissances scientifiques au côté relationnel qui me manquait cruellement. J’ai donc décidé de m’inscrire à la fac de médecine pour obtenir un DU de prise en charge de l’insomnie et m’installer en libéral.
Par ailleurs, depuis l’âge de mes 20 ans, je vivais avec une fatigue chronique permanente. Je n’ai jamais réussi à en trouver la cause, n’ayant aucun problème de sommeil. Grâce à cela, je me sens proche des personnes que j’accompagne. Aujourd’hui, je les comprends et cela m’aide à être plus pertinente, car je sais ce qu’elles ressentent au quotidien.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?
Ce qui me plaît le plus dans mon métier est la contribution que je peux apporter à chacun. Il y a aussi le plaisir d’aider des personnes parfois désespérées. Quand on dort mal, cela a des répercussions négatives dans toutes les sphères de notre vie et à terme notre santé peut se dégrader. C’est magnifique et gratifiant de voir les personnes que j’accompagne retrouver le sourire et de la confiance en elles.
En général, à quoi peut être due l’insomnie ?
L’insomnie peut avoir de nombreuses causes. Un stress important est très souvent présent. Il existe une théorie expliquant qu’elle se met en place suite à l’apparition de trois types de facteurs successifs. Des facteurs prédisposants, précipitants et pérennisants.
Les facteurs prédisposants sont un terrain propice à la mise en place de l’insomnie (facteurs génétiques, sexe féminin, personnes anxieuses ou fragiles…). Les facteurs précipitants sont à l’origine du démarrage de l’insomnie (stress, événement de vie, maladie, prise de médicament…). L’insomnie s’installe ensuite sur la durée avec l’arrivée de facteurs pérennisants (comportementaux, environnementaux et psychologiques). Avec la crise sanitaire et le télétravail, de nombreuses personnes ont changé leurs rythmes de vie et de sommeil, provoquant ainsi des insomnies. Un simple déménagement, le stress, la dépression, les médicaments, il existe plusieurs façons de démarrer une insomnie.
“Nous avons tous des rythmes de sommeil individuels, prédéfinis à la naissance.”
Isabelle Bonnefous
Pour vous, qu’est-ce qu’une bonne durée de sommeil ?
Il n’existe pas de bonne durée de sommeil, c’est une notion totalement individuelle : nous avons tous des rythmes de sommeil différents, prédéfinis à la naissance. Il y a les courts dormeurs qui ont besoin de moins de six heures de sommeil. Cela touche une faible tranche de la population, le président Emmanuel Macron en fait partie. Ensuite, et c’est le cas de la majorité de la population, il existe les moyens dormeurs. Ils ont besoin de 6 à 9 heures de sommeil par nuit. Enfin, les longs dormeurs, beaucoup plus rares, qui ont besoin de 9 h de sommeil par nuit ou plus. Avoir une bonne durée de sommeil consiste donc à respecter ses besoins individuels et à éviter la dette de sommeil au maximum.
Comment se passent vos séances ?
Je commence avec une première séance de bilan d’1 h 30 à 2 h, pour faire un point complet sur la situation de la personne. Il est nécessaire d’avoir un maximum d’informations sur mon client pour comprendre son ou ses problèmes. Pour cela, je travaille avec le questionnaire du Réseau Morphée dont je suis membre (réseau de professionnels de santé spécialisés dans les problèmes de sommeil). Je demande à mes clients de remplir ce questionnaire qui me donne des éléments à la fois sur leur situation médicale et psychologique. Avec les informations ainsi collectées, je dispose des éléments nécessaires pour une prise en charge globale complète de leur sommeil. Ces informations peuvent aussi me permettre d’orienter les patients vers un médecin ou un autre praticien.
À la fin de la première séance, je remets à mes clients un agenda du sommeil. Ce document sert à collecter quotidiennement ses horaires de sommeil. Avec cet outil de suivi, je peux leur donner des consignes personnalisées pour leur sommeil, en fonction de leurs rythmes. L’agenda permet de suivre les progrès, les difficultés éventuelles et de réajuster les choses si nécessaires tout au long de l’accompagnement. Les séances suivantes sont des séances de suivi d’1 h, où nous regardons l’agenda sur la période écoulée, mais pas que… Nous revoyons avec le patient également son hygiène du sommeil, en lui détaillant tout ce qui favorise et pénalise son sommeil. Je lui explique comment cela fonctionne.
Ensemble, nous travaillons sur les mauvaises habitudes qu’il a mis en place en pensant bien faire et sur ses pensées négatives qui entretiennent ses problèmes de sommeil. Enfin, avec différents outils, nous travaillons également sur le stress et l’anxiété qui jouent un rôle très important dans cette problématique.

Quels sont les outils que vous utilisez au quotidien ?
J’utilise différents outils de respiration et de coaching très puissants pour gérer le stress. Si besoin, j’utilise des lunettes combinant luminothérapie et relaxation guidée audio (PSiO®). Au niveau des yeux, les lunettes diffusent de la lumière pulsée. Au niveau des oreilles, un lecteur MP3 diffuse différents programmes de relaxation avec de la musique. La combinaison de multiples stimulations au niveau des 2 sens provoque une déconnexion rapide du cerveau, facilitant la relaxation ou l’endormissement. Cet outil recommandé par les médecins généralistes en Belgique est très utilisé pour aider les personnes stressées et angoissées.
“L’apparition du Covid a décalé le rythme de bon nombre de français”
Isabelle Bonnefous
Comment vous êtes-vous organisée avec la crise sanitaire ?
J’ai ouvert mon cabinet l’an dernier, la veille du premier confinement. Je l’ai donc refermé aussitôt et je me suis donc mise tout naturellement aux téléconsultations. Pour les confinements suivants, nous avions l’autorisation de consulter en présentiel, mais j’ai conservé les téléconsultations. Elles me permettent d’accompagner des personnes au-delà de mon secteur géographique, cette spécialité n’étant pas très répandue.
Pour améliorer la qualité de vie des salariés, J’ai trouvé utile de développer des conférences pour les entreprises. Un mauvais sommeil à des conséquences négatives sur leur efficacité, leur concentration, leur mémoire, leur humeur, leur motivation… Elle peut également entraîner des dépressions, des arrêts de travail, voire des burn-out.
En effet, l’apparition du Covid et la mise en place du télétravail a décalé le rythme de bon nombre de Français. Aujourd’hui, la moitié d’entre eux se plaignent de problèmes de sommeil. Lors de mes conférences, j’explique comment celui-ci fonctionne et surtout j’apporte des conseils pratiques, faciles à mettre en place. Devant les retours positifs des participants, j’ai décidé de proposer également mes conférences sur Wooskill sous forme de masterclass.
Des conseils à donner pour mieux dormir ?
La première chose est qu’il faut essayer d’avoir un rythme de vie assez régulier. Les horaires de repas, de lever et de coucher ainsi que les activités sociales ne doivent pas être trop différents entre la semaine et le week-end. L’heure de lever est la plus déterminante de ce point de vue. Ensuite, il faut sortir quotidiennement s’exposer à la lumière naturelle si possible (idéalement 1/2 h par jour). Celle-ci est en effet à l’origine de la synthèse de la mélatonine, l’hormone qui nous aide à nous endormir.
Enfin, il faut éliminer le stress dès qu’il se présente. Au fur et à mesure de la journée, combinez le sport avec des exercices de respiration ou de la sophrologie… Si le stress, s’est accumulé tout au long de la journée, le soir, il devient très difficile, voire impossible de trouver rapidement le sommeil.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’accompagnement que vous avez réalisé dans l’alphabétisation ?
Mon ancienne entreprise proposait, en partenariat avec une association de réfugiés, des cours de soutien scolaire ou d’alphabétisation. J’avais toujours eu envie de faire du bénévolat, j’ai donc sauté sur l’occasion. Pendant un an, j’ai aidé un jeune Africain de 15 ans. Il était arrivé en France en ne sachant ni lire ni écrire. Il a appris à reconnaître et écrire les différentes lettres de l’alphabet, les syllabes et les différents sons.
C’était vraiment enrichissant et gratifiant de voir ses progrès et sa motivation à progresser pour s’en sortir. Il avait une soif d’apprendre incroyable et c’était un vrai bonheur pour moi de l’aider. Depuis cette 1ère expérience, j’ai décidé de poursuivre le soutien scolaire avec une association de ma ville.
Pour conclure cette interview, je vous laisse le dernier mot…
Pour conclure, je souhaiterais reprendre une formule utilisée par un coach en développement personnel : E + C = R. Cela signifie qu’un événement, couplé au choix que l’on fait pour le vivre va générer un certain résultat. L’événement ne peut généralement pas être changé, mais le choix que l’on fait de subir ou non les choses, change le résultat final.
Ainsi, quand une personne souffre de problèmes de sommeil, elle peut décider qu’il n’y a rien à faire à part prendre des somnifères et risquer de tomber dans la dépendance à ces molécules. Elle peut aussi décider qu’elle veut s’en sortir sans prendre de médicament et choisir d’être accompagné par un spécialiste. Avec un professionnel, le résultat sera alors très différent. La bonne nouvelle est que les problèmes de sommeil ne sont pas une fatalité, des solutions existent pour des personnes motivées.